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Registre des pensées de Khet-Raneh

La terre noire de Khem

fondation d’une voie

mercredi 26 octobre 2011, par kiraen

Une année. À peine une année depuis ma naissance au monde de la nuit. Un an que ma vie m’a été volée par Notep le sage en réparation des dommages que j’avais causé à ses recherches. Un an depuis qu’il m’a fait don de cette éternité potentielle. Pour devenir immortel j’ai déjà du mourir et maintenant que je le suis, il m’a donné l’espoir d’un stade au-delà de notre existence actuelle. J’avais besoin de cette lumière pour m’extraire des ténèbres de la tombe.

J’ai pensé trouver cette lumière dans les enseignements de la Kabbale, mais les discussions avec Notep m’ont montré que cette voie n’était pas la mienne. Je n’ai jamais été homme à me consacrer uniquement à l’étude, il m’a toujours fallu me confronter au monde. Sans la main qui travaille, le coeur qui pense est inutile, me disait mon maître lors de mes premières années d’apprentissage. Que les prêtres récitent leurs incantations et gaspillent des heures à tenter d’interpréter le désir des dieux, c’est en travaillant que nous accomplissons leurs volontés, c’est en œuvrant sur la matière que nous devenons leurs égaux.

Comme aux jours de mon apprentissage je vénère toujours profondément Ptah, le démiurge, celui qui a existé avant toute chose, et qui par sa volonté a pensé le monde. Ptah au beau visage, qui a conçu le monde par la Pensée, puis l’a réalisé par le Verbe : « Ptah conçoit le monde par la pensée de son cœur et lui donne la vie par la magie de son Verbe ». Est-ce un hasard si certain nomment Ptah le maître de l’éternité ?

Je ne possède pas la magie du verbe des dieux, je n’ai pas le pouvoir des incantations d’Isis, des vérités de Ptah ou des textes de Thot à la tête d’ibis. Mais j’ai des mains qui peuvent sculpter le monde, et un cœur qui ne demande qu’à découvrir ces sciences mystérieuses. Mes expériences de la nature magique du monde se multiplient. J’ai vu Asshâni capable d’appeler les ombres des profondeurs de la terre à la surface du monde. J’ai vu la Goulue échanger son âme avec son chat Bastet. J’ai vu les pouvoirs divinatoires de Kallicé, pythie de la lointaine Grèce. J’ai entendu parler aussi de ces Atlantes et leurs éclairs. J’ai entendu parlé des golems animés qui parcourent le monde, des créatures mi-hommes mi-animales, sauvages… Et je ne sais pas comment hériter de cette magie qui inonde le monde.

En voyageant dans le delta en direction de Memphis, qui est de tout temps le sanctuaire de Ptah, une réflexion m’est venue. À chaque crue, le Nil dépose sa terre noire et fertile sur ses berges qui bordent le désert. Sans le Nil l’Égypte n’existerai pas. Les cultures ne seraient pas possibles, et la civilisation florissante que nous avons connue depuis des siècles n’aurait jamais pu éclore. Il y a dans cette terre noire un pouvoir. Cette terre apporte la vie là où il n’y en aurait pas. Et sur cette terre noire la grandeur peut s’étendre. Le don de Notep est-il comme cette terre noire ? A-t-il transformé la terre aride de mon âme pour que puisse y naître une nouvelle grandeur ?

La terre noire de Khem, l’Égypte, naît semble-t-il du processus de corruption des choses mortes, le Nil avale ce qui n’est pas digne de rejoindre l’autre rive et le digère pour le recracher plus loin en offrant fertilité et vie au peuple. N’est-ce pas ce qui arrive lorsque nous buvons le sang des mortels pour le transformer en vitae en notre sein ? Ne sommes-nous pas à notre façon bien humble des répliques du Grand Nil ? Si j’arrive à comprendre ce principe vital et sa circulation, si j’arrive à comprendre la transformation de la matière en ces composants essentiels qui permettent la naissance de la vie, alors peut être serai-je en position de comprendre les lois du monde, de comprendre la magie des dieux.

Peut être quelqu’un a-t-il déjà arpenté cette route mais avant de le rencontrer je n’ai d’autre choix que de l’emprunter à son début. Comprendre la terre noire du Nil et son pouvoir vital.

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